Le télétravail

Vous saviez que, de façon générale, les droits et obligations des travailleuses, travailleurs et employeurs demeurent sensiblement les mêmes en contexte de télétravail ?

L’employeur a les mêmes obligations face à ses employés, que ce soit en entreprise ou à distance, il se doit de fournir un milieu de travail sain et sécuritaire (en vertu de l’article 51 de la LSST).

Par exemple, un employeur se doit de fournir l’équipement sécuritaire à ses travailleurs. Un travailleur qui fait des tâches de bureau peut se voir octroyer une allocation pour acheter du matériel (bureau, chaise, souris, etc.), l’employeur peut simplement le fournir ou conclure toute autre entente permettant de travailler sécuritairement.

L’identification des risques est importante, et ce, même en télétravail.

L’employeur devrait s’assurer que le poste de travail soit sécuritaire et/ou ergonomique. Une inspection du lieu de télétravail peut être effectuée par l’employeur en demandant aux travailleurs de fournir des photos du poste de travail ou par une visite des lieux par un préventionniste ou un ergonome (le moment doit être établi de consentement avec le travailleur). Par la suite, l’employeur sera responsable de mettre à la disposition des travailleurs des ressources en matière d’ergonomie.

Mise en place d’un programme de prévention et d’un programme de formation.

Il ne faut pas hésiter à mettre en place un programme de prévention pour vos travailleurs en télétravail.

Ce programme peut contenir des directives concernant l’utilisation de l’équipement ou l’ergonomie ainsi que l’ajustement du poste du travail, la consommation de drogue ou d’alcool pendant les heures de travail, etc.

On peut également y inclure des directives pour maintien des aires de circulation ou des sorties dégagées et sans encombrement pendant les heures de travail. On peut aussi y mentionner la tenue d’un poste de travail dégagé afin de permettre la circulation.

Lésion professionnelle en télétravail

Il faut savoir que l’employeur est responsable si le travailleur se blesse chez lui pendant ses heures de travail et que cette blessure répond aux critères d’admissibilité d’une lésion professionnelle. La présomption de l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles (LATMP) s’applique. Une maladie professionnelle peut également être reconnue pour un télétravailleur.

En exemple, le Tribunal administratif du travail (TAT) a eu à juger si des chutes au domicile des travailleurs, pendant les heures de repas, étaient des accidents du travail ou non. Voici deux décisions qui démontrent des critères utilisés pour déterminer si la chute est oui ou non un accident du travail.

Décision de 2021 (Air Canada et Gentile-Patti, 2021 QCTAT 5829) qui reconnaît la survenance d’un accident de travail. Voici l’énoncé du fait accidentel :

[8] Le 25 septembre 2020, madame Gentile-Patti se branche à son poste de travail tôt le matin vers 6 h 00 et sa journée de travail se termine vers 13 h 00. Au cours de ce quart de travail, elle bénéficie de pauses, dont l’une pour dîner. C’est lors de cette pause-dîner que madame Gentile-Patti se blesse. Elle se débranche de son poste, quitte son aire de travail et emprunte l’escalier de sa résidence pour aller dîner au rez-de-chaussée. Vers la cinquième marche, elle perd pied et tombe sur le côté gauche. Son père l’aide et elle communique avec son superviseur pour l’informer de l’incident et elle remplit un rapport.

Ce que le juge a retenu afin d’établir que la chute doit être considérée comme un accident de travail :

[10] Un accident du travail est constitué d’un événement imprévu et soudain qui survient par le fait ou à l’occasion du travail. Dans le présent dossier, puisque l’incident survient alors que madame Gentile-Patti se débranche de son lien informatique avec l’employeur et descend l’escalier pour se rendre au rez-de-chaussée pour dîner, il y a lieu de déterminer s’il s’agit d’un événement imprévu et soudain survenu à l’occasion du travail.

Dans une décision de 2023 (Allard et Promutuel Horizon Ouest, 2023 QCTAT 1027) qui ne reconnait pas la survenance d’un accident du travail. Voici l’énoncé du fait accidentel :

[2] Le 15 juin 2020, pendant sa pause-repas, elle chute dans l’escalier qui mène à sa cour et s’inflige une entorse et une fracture à la cheville droite. Elle présente une réclamation pour une lésion professionnelle à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.

[16] Le 15 juin 2020, elle a travaillé tout l’avant-midi. À 12 h 30, elle est montée se faire à dîner dans sa cuisine et est allée manger dehors à une table dans sa cour. Elle précise qu’elle aurait fait la même chose au bureau, l’employeur ayant installé des tables dans le stationnement extérieur.

[17] La travailleuse mange son repas. À la fin de son repas, elle rentre sa vaisselle et son couvert à l’intérieur et ressort dans sa cour pour profiter du reste de sa pause-repas. C’est alors que son téléphone cellulaire tombe dans l’escalier et c’est en voulant le reprendre qu’elle tombe également et se blesse à la cheville.

Ce que le juge a retenu afin d’établir que la chute ne doit pas être considérée comme un accident de travail :

[18]      Ainsi, le lieu de l’événement est l’escalier extérieur de la résidence de la travailleuse qui mène à sa cour et non pas l’escalier intérieur qui mène à son bureau au sous-sol. Quant au moment de l’événement, il est en plein cœur de sa période de repas où ayant fini de manger, elle peut profiter du temps qui reste dans le confort de sa cour. Elle ne vient pas de quitter sa sphère professionnelle comme dans l’affaire Air Canada et Gentile-Patti[7] qu’elle cite au soutien de sa position. Dans cette affaire, la travailleuse chute « quelques instants après s’être débranchée de son poste de travail pour aller dîner »[8]. Les circonstances sont semblables dans l’autre affaire citée par la travailleuse[9]. En effet, « l’événement survient à la cafétéria dans les premières minutes du début d’une pause-repas »[10].

[19]      La preuve confirme également que la pause-repas n’est pas rémunérée et que l’employeur n’exige aucune disponibilité de la travailleuse. Elle est déconnectée du réseau de l’employeur pendant cette pause, il n’y a donc aucun lien de subordination. Il est également admis que le téléphone cellulaire que la travailleuse tentait de ramasser lors de sa chute est son appareil personnel et n’est pas utilisé dans ses fonctions professionnelles.

[20]      Le Tribunal conclut que la chute de la travailleuse est survenue dans sa sphère personnelle et qu’ainsi elle n’est pas survenue à l’occasion du travail. La travailleuse n’a donc pas subi un accident du travail au sens de la Loi.

La reconnaissance d’un accident du travail est donc circonstancielle et est une question de fait. Il faut établir les circonstances et l’état d’esprit du travailleur au moment de la chute. Ce sera l’enquête et l’analyse de l’accident qui fera foi des faits.

De votre côté, en tant qu’employeur, avez-vous fait vos devoirs ?

Est-ce que vous avez tout mis en place pour éviter les accidents de travail ?

Êtes-vous bien outillé pour encadrer le télétravail ?